14 avril 972 : empire d’Occident, empire d’Orient

• En épousant à Rome, le 14 avril 972, la princesse grecque Théophano, Othon Il peut espérer unir, réunir, deux empires qui représentent l’un et l’autre la tradition romaine. Une tradition qui continue, cinq siècles après la décomposition de l’empire romain, à faire flamboyer l’imaginaire des peuples européens.

L’empire, disparu d’Occident à partir de 476, a survécu dans le cadré de l’empire byzantin. l’empereur régnant à Constantinople s’intitule « empereur des Romains » et les Byzantins, pourtant héritiers directs de la culture hellénique, se désignent fièrement eux-mêmes, en grec, par le nom de «Romaioi» (quand l’Islam à submergé, au VIIe siècle, les territoires byzantins d’Asie et d’Afrique, les musulmans ont adopté le terme de Roumis pour désigner leurs ennemis originaires d’Europe).

Les Byzantins affirment leur qualité d’héritiers et continuateurs de Rome à travers des symboles (l’aigle) et une titulature : le souverain byzantin revendique le titre d’« empereur des Romains » et dénie à tout autre que lui le droit de porter ce titre. C’est pourquoi Charlemagne, couronné empereur d’Occident en 800 et donc restaurateur de la dignité impériale en Europe de l’Ouest, se contente, par souci diplomatique, de prendre dans sa correspondance officielle avec Byzance le titre d« ’empereur Auguste »… Ses successeurs font de même et lorsque l’un d’entre eux, Louis Il, enfreint la règle et se prétend « empereur des Romains », il suscite force protestations venant de Constantinople.

Après la décadence de l’empire carolingien, au cours du IXe siècle, l’institution impériale ne renaît en Occident qu’en 962 lorsque le roi de Germanie Othon 1er, fils d’Henri 1er l’Oiseleur, est couronné empereur à Rome par le pape Jean XII. Othon bénéficie d’une grande popularité grâce à sa victoire du lechfeld (955) sur les Hongrois, nomades pillards venus d’Asie et qui ont agressé pendant des décennies l’Europe occidentale. Othon le libérateur, incarnant l’identité germanique, rassemble sous son autorité l’Allemagne et l’Italie du Nord, tout en se faisant le tuteur d’une papauté affaiblie par la médiocrité morale de plusieurs pontifes successifs (ainsi Jean XII « se fait remarquer, note Marcel Pacaut dans son Histoire de la papauté, par son amour de l’argent et ses aventures galantes »).

Héritier du titre impérial à la mort de son père (973) Othon Il « n’en avait hérité ni l’énergie, ni la perspicacité, ni l’aptitude à dominer les événements » (Robert Folz, La naissance du Saint-Empire). Mais il subissait, beaucoup plus que lui, la fascination de l’idée romaine de l’Empire. Il n’hésita pas à prendre le titre d« ’empereur Auguste des Romains », ce qui était une façon de s’affirmer le véritable successeur des Césars. Mais aussi, du coup, un défi à Constantinople. Hanté par la nécessité de contrôler l’ensemble de l’Italie, Othon Il voulait reprendre le sud de la péninsule, exposée aux incursions des Arabes venus d’une Sicile qu’ils occupaient depuis 827. Défait par eux en 982, Othon Il préparait la revanche lorsqu’il mourut l’année suivante. Sa veuve Théophano assuma la régence au nom du jeune Othon III.

Nièce de l’empereur byzantin Jean Tzimiscès, Théophano se révéla une femme de grande énergie. Elle donna à son fils une formation soignée, tant sur le plan politique que culturel. A travers elle le monde romano-germanique et le monde grec pouvaient se rejoindre. Ce grand projet devant être réduit à néant, en 1054, par le schisme marquant le divorce définitif entre l’Eglise latine et l’Eglise grecque.

P. V National Hebdo semaine du 10 au 16 avril 1997

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