
Le chanteur se « méfie beaucoup des leçons données »
« Vous faites attention quand vous sortez de votre domaine d’expertise, à savoir la musique, quand vous parlez d’autre chose ? », interroge Augustin Trapenard. Effectivement, le chanteur rechigne à jouer au moralisateur, à donner des leçons, considérant que « c’est très délicat quand on est des privilégiés, quand notre passion est devenue notre métier, quand, au quotidien, on se réveille avec comme seule chose à penser de faire ce que l’on aime, c’est très difficile de se laisser porter à un micro pour donner des leçons à celles et ceux qui n’ont pas cette chance de se lever avec un sourire le matin… » Le chanteur de 43 ans, qui s’est fait connaître dans l’émission Nouvelle Star en 2007, « [s]e méfie beaucoup des leçons données », expliquant qu’« on est dans une société qui culpabilise beaucoup les citoyens. Si les artistes et créatifs se mettent à faire pareil dès lors qu’ils ont un micro, ça [l]e fait un peu flipper. » Avec calme, et même douceur, le chanteur n’hésite pas à dénoncer le décalage, et même l’indécence, parfois, de certaines personnalités auxquelles la notoriété et l’argent servent de tribune pour donner des leçons de morale : « Tu peux avoir des sous et faire ce que tu aimes, et avoir quand même envie de dire ce que tu penses, je peux comprendre. Mais c’est difficile de venir expliquer aux gens pour qui voter et quoi penser tout en regardant sa montre parce qu’il y a un défilé qu’on ne veut pas manquer à deux rues d’ici. Je trouve qu’il y a une dichotomie dans ce privilège. »
Et se refuse à sortir de son « domaine d’expertise » pour jouer au père la morale
Une dichotomie sur laquelle certains s’assoient allègrement et sans scrupule, comme Marina Foïs, qui donnait des leçons d’empathie pour les migrants aux Français ; comme Corinne Masiero qui, avec son élégance légendaire, dénonçait les résultats des élections en juin 2024 ; ou encore comme Blanche Gardin, que Télérama disait « hantée par la situation à Gaza, minée par la montée de l’extrême droite ». L’ennui, c’est qu’en France, nombreux sont ceux qui considèrent que leur talent ou leur succès les autorisent à juger, donner des leçons, voire à condamner une partie de ceux à qui ils doivent leur notoriété.
Julien Doré, lui, refuse de sortir de son « domaine d’expertise », c’est-à-dire la chanson. Cela signifie-t-il qu’il n’a pas d’opinions, pas d’engagements ? Évidemment, non. Le chanteur, originaire du Gard, est retourné s’enraciner dans les Cévennes et milite contre le réchauffement climatique et pour l’écologie avec son single La Fièvre. Son album, sorti en 2020, intitulé Aimée (le prénom de sa grand-mère), parle également de transmission entre les générations. Ce père d’un petit garçon n’a en effet jamais caché le souci de ce qu’il allait laisser : à Ouest-France, qui lui demandait ce qu’était, pour lui, le « vivre ensemble », il répondait, en 2018 que « c’est une façon de se préoccuper de ce que nous sommes et de ce que nous allons laisser ». En bref, Julien Doré, c’est ce chanteur français qui, ne manquant pas de convictions, préfère en faire des chansons plutôt que d’aller jouer les pères la morale sur les chaînes et radios publiques. Ou alors, s’il donne des leçons de morale, c’est plutôt à ces « privilégiés » et « personnalités médiatiques » qui sortent de leur « domaine d’expertise », jugeant que leur compétence artistique ou sportive leur donne le droit de culpabiliser, raisonner ou sanctionner le commun des mortels qui ne penserait pas comme eux.
Si Julien Doré ne fait pas étalage de ses opinions, loin d’être « un manque de courage », c’est bien une façon de respecter ses fans : « C’est une forme de nuance que de faire attention à ne pas donner de leçons à ceux qui nous aiment, parce qu’ils en reçoivent à longueur de journée. »
Laisser un commentaire