Quand Beauvau célèbre l’immigration au lieu de la contrôler

Capture d'écran
Capture d’écran
Oubliez les contrôles aux frontières et les reconduites : le ministère de l’Intérieur lance un « prix national pour valoriser l’engagement des entreprises en faveur de l’intégration des réfugiés ». Une initiative qui sonne moins comme une réponse à l’opinion publique que comme un mea culpa institutionnel face à l’ampleur du phénomène migratoire. Car la réalité française est là : plus de 496.868 réfugiés et demandeurs d’asile étaient sous la responsabilité de l’OFPRA, au 31 décembre 2024.

Des centaines de milliers de nouveaux immigrants, chaque année

Selon le ministère de l’Intérieur, plus de 340.000 nouveaux titres de séjour ont été comptabilisés en France, en 2024, dont une part significative sous statut humanitaire. Ce chiffre s’ajoute aux flux déjà présents dans le pays, sans oublier que la population étrangère représente, désormais, près de 8,8 % de la population française. Plutôt que d’en débattre, l’État décide donc d’offrir un trophée aux patrons qui embauchent des réfugiés. Une manière de dire : « Allons, tout va bien, regardez ces belles initiatives ! » —, tout en évitant les questions de fond.

Les belles histoires d’intégration professionnelle ne doivent pas masquer une réalité plus crue. Une étude du HCR indique que seulement 42 % des réfugiés ont trouvé un emploi, un an après l’obtention du statut protégé, en France. Et même lorsqu’ils travaillent, leur emploi est souvent en deçà de leurs qualifications, dans des secteurs à bas salaires comme la construction, l’hôtellerie ou la restauration. Apparemment, l’État préfère récompenser les entreprises qui font ce qu’on attend d’elles… plutôt que d’exiger des résultats concrets et mesurables.

Le prix : une reconnaissance morale, pas une solution structurelle

Le prix n’est pas doté d’une enveloppe massive. Il consiste surtout en une visibilité institutionnelle, une médaille médiatique et une photographie bien cadrée pour les communiqués. C’est joliment emballé pour répondre à trois objectifs : encourager les entreprises à adopter des démarches responsables (RSE) en faveur des réfugiés, diffuser les « bonnes pratiques » en matière de recrutement et d’inclusion et changer le regard sur les réfugiés en valorisant leur contribution économique.

Autant dire que derrière cette rhétorique fleurie, le message est clair : il faut transformer l’immigration en argument marketing et en levier économique. Pendant ce temps, les données montrent que l’intégration reste un long chemin : parmi les demandeurs d’asile, très peu trouvent un travail rapidement.

Les entreprises candidates seront évaluées selon des critères rigoureux, nous promet le ministère, mais surtout orientés pour flatter la communication : recrutement inclusif et diversifié, inclusion dans l’entreprise, intégration durable et communication.

Sur le plan politique, ce prix illustre surtout une tendance à mettre des rustines communicationnelles sur des fissures structurelles. Les chiffres ne mentent pas : la France demeure un pays d’accueil important — mais loin d’être exemplaire —, avec des centaines de milliers de personnes sous statut, souvent en situation précaire, malgré leur droit au travail ou à la protection internationale.

Et là où d’autres pays, comme l’Allemagne, analysent rétrospectivement l’impact de l’intégration sur l’emploi (près de 64 % des réfugiés arrivés en 2015 avaient un emploi en 2024 dans certains groupes d’âge), la France préfère décorer plutôt que d’évaluer.

Symbolisme à la place de stratégie

Lancée dans un contexte où l’immigration, légale et illégale, est de plus en plus rejetée par les Français, cette opération est une tentative de narration optimiste. Mais derrière l’emballage, la politique migratoire reste sans cap clair, oscillant entre fermeté affichée et valorisation consensuelle. Le prix est peut‑être sympathique pour les services de relations presse des grandes entreprises. Mais il ne remplace pas une stratégie nationale de maîtrise des flux, d’évaluation des impacts socio‑économiques et d’intégration réussie ou, du moins, mesurable.

En lançant ce prix, le ministère de l’Intérieur choisit le vernis de l’intégration plutôt que l’examen des faits. L’État préfère mettre en scène une politique d’intégration plutôt que d’en produire une réellement efficace.

Laisser un commentaire