Green Deal : premier aveu d’échec

Surprise : la Commission européenne revient sur l’interdiction totale des moteurs thermiques et semble marquer un temps d’arrêt dans sa gigue vers le précipice. Comme un danseur maladroit qui trébuche sur ses propres lacets idéologiques, Bruxelles découvre enfin que le vide n’est pas un partenaire de tango fiable.

Bon évidemment, ce n’est qu’un petit pas en arrière : pour le moment, il s’agit essentiellement de ré-autoriser certaines motorisations hybrides, et de ne viser qu’une baisse de 90% des émissions de CO2 et non 100%.

Ce changement paradigmatique a bien évidemment été récupéré par les semi-habiles gouvernementaux, à commencer par le Commissaire Séjourné, qui n’a pu s’empêcher de fanfaronner niaisement sur les réseaux sociaux :

Pour notre fanfaron de chez Wish, pas de doute : grâce à ce plan, la Commission « sauve » l’automobile européenne. Après l’avoir très effectivement massacrée à coup de régulations toutes plus sottes les unes que les autres, après avoir envoyé un message désastreux aux constructeurs, après avoir fait exploser le coût de leur énergie de fonctionnement avec des politiques agressives, voilà nos politiciens frétillant d’aise à l’idée de relâcher la pression, fredonnant une petite chanson sur le thème « Nous vous sauvons de la mort en relâchant un peu notre étranglement ».

Plusieurs facteurs ont certainement joué dans cette décision et le lobbying des industriels concernés en est un, évident. Un autre aspect a sans nul doute été l’effondrement des ventes de voitures de la période 2020-2022, qui a laissé exsangues les constructeurs européens. La reprise progressive des années suivantes ne leur a pas permis de dégager des marges suffisantes et ce alors que, d’une part, les coûts de l’énergie grimpaient, et d’autre part, la concurrence étrangère s’est faite de plus en plus féroce…

À commencer sur le segment électrique, celui-là même qui était directement chouchouté par les régulations folles d’une Union européenne détachée des contingences industrielles : non seulement, les matériaux de base (terres rares, lithium, par exemple) sont extraits, raffinés et importés à prix élevés depuis l’étranger ce qui met les constructeurs européens dans une dépendance assez critique, mais en plus les technologies mêmes de propulsion sont maintenant largement maîtrisées outre-Europe ce qui permet à des constructeurs – notamment chinois – de venir concurrencer les Européens sur leur propre terrain de jeu.

Certains observateurs – complotistes, sans aucun doute – pourraient presque y voir une volonté de détruire l’industrie européenne au profit du reste du monde. Même sans tomber dans les heures les plus sombres du conspiplotisme le plus débridé, le constat reste le même : l’industrie automobile européenne est très mal en point et le double coup de massue des limitations technologiques – fini le thermique ! – et des énergies subitement coûteuses – merci Nordstream ! – aboutit exactement à ce résultat : l’Europe se sabote elle-même, comme un boxeur qui se frappe au visage pour tester ses gants.

Et dans ce contexte, la gesticulation grotesque de Séjourné cache mal la reculade effective que constitue cette dernière décision de la Commission à l’orée de 2026 : eh oui, contre toute attente, certains crânes d’œuf se sont rendus compte que l’interdiction complète des moteurs thermiques était une décision parfaitement débile.

Or, on ne doit pas sous-estimer la portée de ce renoncement, même minimal.

Ainsi, recommencer à autoriser quelques moteurs thermiques revient à admettre que l’industrie ne va pas avoir le temps, d’ici 10 ans, de passer intégralement à l’électrique. Eh oui : on ne décrète pas la physique, on ne légifère pas sur la chimie et la réalité n’a que faire des directives bruxelloises.

Cela revient à admettre que le « tout électrique » n’est tout simplement pas possible, tant les besoins sont vastes et tant la technologie en question n’arrive pas à tous les couvrir : l’autonomie des batteries ne permet pas, à des prix abordables, de couvrir les besoins de déplacements longs qui existent encore fortement tant pour les besoins individuels que professionnels, d’autant que le déploiement des bornes de recharge est chaotique.

Outre des problèmes géographiques (certaines zones sont, très effectivement, dépourvues de toute borne, y rendant un déplacement en véhicule électrique particulièrement risqué), les problèmes logistiques s’accumulent : il est difficile de faire croire qu’une augmentation très soutenue du parc de véhicules électriques va se faire à coup d’éoliennes et de panneaux photovoltaïques. Ceci impose la multiplication de centrales électriques ou bien nucléaires, ou bien pas du tout économes en production de CO2.

Les régulateurs européens se retrouvent ici englués dans leurs contradictions : d’un côté annuler la production de CO2, refuser – par principe – la seule énergie (nucléaire) qui permette d’atteindre cet objectif arbitraire, tout en augmentant de l’autre le recours aux productions électriques polluantes (charbon et gaz), bref le « n’importe quoi » à portée du chihuahua-législateur sous coke.

À mesure que les constructeurs automobiles ont publié des résultats de plus en plus médiocres, voire mauvais, que les usines ont commencé à fermer, ces réalités se sont donc, très clairement, infiltrées dans les discussions et se sont imposées à une élite jusque là parfaitement étanche.

Ce petit renoncement initial est une brèche, indéniable, dans le barrage idéologique imposé depuis plusieurs décennies via les « agendas verts » et autre Green Deal – devenu Grim Deal – suicidaires.

De la même façon que le gouvernement français renonce – aussi discrètement que possible – à l’abandon du nucléaire, la Commission européenne commence à comprendre qu’il en va tout simplement de sa propre survie de renoncer, au moins en partie, à quelques uns de ses dogmes.

D’un côté, ce petit renoncement ouvre une lueur d’espoir et montre une fois encore que la réalité s’impose même aux idéologues, surtout lorsque leur propre intégrité physique ou leur futur sont dans la balance. De l’autre, la modestie de ce renoncement montre que la claque n’est pas encore assez sévère, que le risque, pour l’élite, de se faire démettre (éventuellement violemment) n’est pas encore assez perceptible. Au passage, cette tension entre espoir et cynisme nous rappelle que le changement naît souvent de la peur, pas de la vertu, les révolutions commençant quand les élites sentent le vent tourner.

Notons enfin la proximité de ce changement d’orientation et la récente parution de la stratégie nationale de sécurité américaine, relatée dans ces colonnes il y a quelques jours : certains n’y verront qu’une synchronicité pratique (ce sont des habitués de la coïncidence multiple et répétée). D’autres verront cela comme une sorte d’accusé de réception, une prise de conscience – même partielle, même modeste – qu’au-delà des rodomontades bravaches de cruches parlementaires, la direction prise par l’Union est véritablement suicidaire et qu’il faut commencer à pivoter… si l’on veut éviter une fin brutale, celle d’une Union qui se sera sabordée au nom de vertus qu’elle n’a jamais su incarner.

https://h16free.com/2025/12/19/82961-green-deal-premier-aveu-dechec

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