Le chemin de croix des musulmans convertis au catholicisme : «Si ma famille sait, elle me tue»

Le chemin de croix des musulmans convertis au catholicisme : «Si ma famille sait, elle me tue»

Plus de 350 ex-musulmans ont été baptisés cette année à Pâques. Le Figaro évoque le chemin de croix qui attend ces nouveaux catholiques.

[…] Dans l’islam, l’apostasie est condamnée par le Coran : le verset 217 de la deuxième sourate promet un châtiment divin à ceux qui quittent la religion. Certains hadiths – propos attribués au prophète Mahomet – vouent même une mort immédiate aux apostats.

Un grand nombre de ces convertis sont confrontés à l’ostracisation. «Sur mes cinq enfants, deux me rejettent : pour eux, je suis une mécréante», témoigne Myriam. D’autres finissent à la rue, conduisant des paroisses à leur trouver, non sans peine, un logement d’urgence. Aujourd’hui, Chaïnez n’est plus en contact avec une grande partie de sa famille. «Mon frère m’a dit : ‘maman a pété un plomb quand elle a su que tu étais devenue chrétienne’. Je n’ai invité personne de ma famille à mon baptême, ce serait vu comme une provocation» , souffle-t-elle. «Quand une amie musulmane a vu ma croix, elle a failli fuir», reprend Chaïnez. Certains sont même menacés physiquement. «Une baptisée récemment m’a dit : si ma famille le sait, elle me tue», confie le père T. Dans sa paroisse, Myriam a été incitée par un prêtre à évangéliser des musulmans. Elle a vivement refusé : «On ne se sent toujours pas en sécurité.» «Beaucoup se cachent. Dans certains lieux, on se met en danger», abonde Chaïnez.

Plusieurs sources interrogées par Le Figaro relatent que certains convertis préfèrent même changer de département pour se rendre à la messe, afin d’éviter d’y être «repérés». «L’erreur, c’est qu’à l’accueil, on va les inciter à retourner dans leur paroisse de référence» , soupire le père T. Au risque de les mettre en danger.

La solitude est d’autant plus violente que la familiarisation avec la nouvelle communauté n’est pas toujours aisée. «Il y a un vrai problème d’accueil dans les paroisses de France , admet Mehdi Djaadi. J’ai passé de nombreux dimanches, des messes de Pâques et de Noël tout seul». Pour autant, «ce n’est pas propre aux chrétiens issus de l’islam : c’est pareil pour les célibataires, pour les personnes âgées» , nuance le comédien. Et pareil pour de nombreux nouveaux baptisés adultes non issus de l’islam. «Les paroisses ne sont pas encore suffisamment sensibles à la difficulté d’intégration des nouveaux baptisés» , reconnaît le père Jean-François Bour, directeur du Service national pour les relations avec les musulmans (SNRM), institution de la CEF.

«Pendant deux ans et demi de catéchuménat, on ne me lâchait pas. Dès le lendemain de mon baptême, il n’y avait plus personne. Je me suis vraiment sentie abandonnée par l’Église. C’est très dur de faire partie d’une paroisse» abonde Myriam. Et sans doute d’autant plus ardu pour qui est pétri de culture musulmane, où “l’Oumma”, communauté des croyants, est vécue très différemment, comme un terreau de chaleur et de solidarité. Ce qui explique aussi, pour les nouveaux convertis, l’attrait pour les communautés évangéliques protestantes, plus chaleureuses.

Chaïnez nuance toutefois cette supposée «froideur» des paroissiens. «À Marseille, je me sens bien accueillie, pas du tout isolée. À chaque sortie de messe, j’ai des personnes avec qui discuter.» Elle reconnaît cependant que «beaucoup de convertis» issus de l’islam «ressentent de la solitude» .

[…] Des associations comme Ismérie ou le forum Jésus le Messie s’efforcent de pallier une absence regrettée par certains convertis. Le diocèse de Paris, lui, a confié à l’association Ananie la mission d’aider les paroisses à mieux accueillir «les musulmans en recherche et les convertis» , avec une «formation spécifique», peut-on lire sur son site.

Beaucoup portent, surtout au début de leur conversion, un regard dur envers leur ancienne religion. «Il y a un travail de pacification avec eux pour passer d’un discours de haine à un discours d’amour, ancré dans la foi catholique», relate Vincent Neymon, directeur d’Ismérie. L’Église oscille ainsi entre évangélisation et prudence. Nous voulons être prudents pour ne pas laisser croire aux musulmans que nous sommes dans une stratégie missionnaire» , assume ainsi le père Jean-François Bour. «Certains prêtres peuvent dire “l’islam, cela vous va aussi”, et n’ouvrent pas forcément le cheminement vers le Christ» , remarque Chaïnez. Une attitude qui agace Marc Fromager, ancien directeur et cofondateur de la mission Ismérie en 2020 : « Malheur à moi, si je n’annonce pas l’Évangile» , rappelle-t-il en citant la Bible. « Il y a aussi eu des refus de baptême» , s’étonne Chaïnez. «Demander le baptême pour obtenir un papier administratif plus facilement ou épouser un chrétien ne peut être suffisant», argue le père Bour. […]

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