Claire Koç : trop catho, trop bien assimilée pour être médiatisée ?

Une note (encore une !) des services de renseignement le révélait, cette semaine : à l’école, dans certains coins de France, les dérives communautaristes sont légion. Tout prédisposait Claire Koç, cette journaliste à France Télévisions, à faire partie de ces minorités séparées : son origine turque, la non-assimilation de ses parents et les failles béantes du système. Pourtant, parce qu’elle est devenue française puis catholique, Claire Koç est le parfait contre-exemple de cet échec français.

« L’assimilation est possible, la France le permet, nous confie Claire Koç, encore faut-il le vouloir. » Née dans une famille alévie* de l’est de la Turquie, arrivée en France à l’âge d’un an, celle qui s’appelait alors Çigdem s’installe dans un foyer puis à Rennes et ensuite Strasbourg. Ses parents (elle est femme de ménage et lui ouvrier), d’abord peu religieux, finiront pas se communautariser petit à petit sans jamais apprendre le français. Grâce et malgré l’école (où l’enseignement du turc et de la religion musulmane continuent, en douce, à lui être dispensé), l’enfant découvre des horizons infinis : « La soif d’apprendre, l’envie de devenir quelqu’un et l’amour de la langue. » Des ingrédients qui feront d’elle ce qu’elle est aujourd’hui : une journaliste française et catholique, une jeune maman active et accomplie. Un chemin en deux étapes.

« Ils m’ont interdit de m’assimiler »

À 25 ans, Çigdem demande sa naturalisation et choisit de s’appeler Claire, Le Prénom de la honte (aux Éditions Albin Michel), raconte-t-elle dans son premier ouvrage qu’elle sous-titre : « Ils m’ont interdit de m’assimiler ». « Ils », c’est d’abord sa famille qui lui dénie « le droit d’avoir deux cultures : j’avais le droit d’en avoir qu’une seule, et c’était celle de mes parents ; ils m’interdisaient d’être française alors qu’ils m’élevaient en France. » « Ils », c’est ensuite des membres de sa communauté d’origine qui, sur les réseaux sociaux, la traitent de « vendue, traître à ses origines ». Mais c’est aussi son cercle d’amis et les autres, imprégnés de cette pensée « progressiste qui prône le vivre ensemble mais qui refusent de m’appeler Claire ». La journaliste brise un schéma, celui de l’étrangère victime et non assimilable : « Je suis française avec des origines, c’est vrai, mais que je ne les porte pas en bandoulière. » Claire n’est pas « cool », pas médiatisable, pas conforme. Déçus, certains grands médias – sans même prendre le temps de lire son livre – la désinvitent : « On pensait que c’était l’histoire d’une étrangère victime du racisme. » On lui reproche aussi d’avoir donné une interview à Valeurs actuelles.

« C’est le thème de la foi catholique qui dérange »

Et puis, à 36 ans, « parce que le Ciel lui est tombé sur [sa] tête et c’est une bonne nouvelle », Claire Koç, qui est travaillée par la question de la foi depuis l’âge de six ans (époque où, au hasard d’une visite dans une église, elle « découvre le visage de Marie »), demande le baptême. Elle se sent enfin légitime : « Avant, je pensais que c’est quelque chose qui se transmettait par la famille. » Son mariage avec un catholique (que ses parents ne lui pardonneront pas : aujourd’hui encore, Claire, qui a appris la mort de son père par SMS, ne les a pas revus) et la naissance de son enfant sont un déclic. C’est le sujet de son deuxième ouvrage Le jour où je me suis convertie (Éditions Plon). Comme une suite logique après l’assimilation, le fil qu’elle tire : « Ma Foi m’apporte tellement de belles choses : l’apaisement et aussi tout un fond de culture, car l’Histoire du christianisme est entrelacée avec l’Histoire de France. Elle m’aide à m’insérer dans la société de tous les jours, rien qu’à travers les expressions françaises qui découlent de la Bible ou de l’Ancien Testament. »

Une conversion qu’encore une fois son entourage n’admet pas. « Une mauvaise idée, cette « double envie de civilisation qui ne va pas dans leur sens ». » Pour son cercle amical, « il y a les bonnes croyances et les mauvaises croyances ; le vent est plutôt du côté de la sorcellerie 2.0, l’ésotérisme, le chamanisme, les pierres énergisantes, toutes ces nouvelles croyances. Le catholicisme est vu comme quelque chose de réactionnaire, intégriste, au mieux comme une pensée « illuminée » contraire à leur logiciel idéologique. Je ne m’attendais pas à ce manque de tolérance. » Les médias lui réserveront un accueil mitigé, une fois encore, et certains internautes iront jusqu’à la traiter de «sale petite bourgeoise convertie »… Charmant.

Mais Claire Koç ne désarme pas, bien au contraire : prenant exemple sur les bâtisseurs de cathédrales qui ne se sont pas découragés, elle souhaite faire de son parcours un message d’espérance, un appel à la liberté de conscience dans cette société progressiste. Et, s’adressant directement au Président Macron – « Ce qui me frappe, c’est qu’on nous affirme toujours que la France a beaucoup à apprendre ou à s’enrichir de l’étranger. Mais jamais on ne nous dit que l’étranger a beaucoup à apprendre ou à s’enrichir de la France » -, elle nous ouvre le champ des possibles : celui de l’assimilation envers et malgré ce que la société française est devenue.

* L’alévisme est une branche du chiisme. La grande majorité des alévis sont d’origine turque et turkmène.

Sabine de Villeroché

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